La chapelle Saint Antoine

1-Chapelle1

Située à l’angle de la rue de l’Abbaye et de la rue Saint-Antoine, cette chapelle rurale, de dimensions et d’aspect modestes, est néanmoins un élément important du patrimoine religieux de Bouxières.

Elle a été bâtie en 1582, comme l’indique le texte gravé sur une pierre scellée à l’extérieur :

5-pierre Marey


fiacre marey et simoñette sa feme
ont faict faire cest chappelle pour
poser le corpus dñi le jour de la
feste dieu en
chãtent o salutaris
hostia priant dieu pour leurs
ames parens
icy vivant et
trepasses
requisqãt in pasce am(en)
1 . 5 . 8 . 2 

Une seconde plaque gravée fait référence, elle, au passé abbatial de Bouxières. A l’origine, elle se trouvait à l’enceinte même de l’abbaye.
Le jour de la Fête-Dieu, une procession conduisait les fidèles de l’église paroissiale à l’abbaye.
Située à mi-chemin, la chapelle servait de reposoir.
Arrivé devant le portail de l’abbaye, le curé n’avait pas le droit de pénétrer dans l’enceinte. Il déposait le Saint Sacrement sur cette pierre. Un chanoine du chapitre venait l’y prendre pour l’exposer quelques instants dans l’église abbatiale. Il le rapportait ensuite à l’entrée de l’abbaye et la procession redescendait à l’église paroissiale.
Le texte gravé sur la pierre évoque cet usage :
6-pierre-procession1Photo prise en 1986


ARRESTE ICY PASSANT
ET FAY LA REVERENCE
EN CE LIEV TOVS LES ANS
REPOSE TON SEIGNEVR
SOVS VN VOILE DE PAIN
RECELANT SA GRANDEVR
POVR EN RASSASIER
DE SA PROPRE SVBSTANCE

La chapelle a fait l’objet d’une première restauration connue en 1875 ; c’est à ce moment qu’on a déplacé cette pierre pour la sceller sur le mur extérieur de la chapelle, à côté de la plaque « Fiacre Marey … ».

Au cours de cette réfection, on a posé le dallage actuel et peut-être aussi le petit autel de bois peint.
La statue sulpicienne de Saint Antoine, le crucifix et les 4 bougeoirs de cuivre massif semblent dater également de cette période :

3-autel

La deuxième restauration date de 1986. Elle a surtout consisté en une remise à neuf (contestable) de la porte et de son encadrement, des deux fenêtres, de la toiture et des crépis. Elle a néanmoins permis la découverte d’une Pietà, intéressante par ses proportions et par la finesse des sculptures qui n’ont pas été martelées.

4-pieta

Le bloc avait été utilisé pour combler une excavation du mur, peut-être à la suite d’un dommage empêchant qu’elle soit exposée. Hubert Colin, ancien Conservateur des Archives départementales avait parlé de pierre de Saint Mihiel et de Ligier-Richier …

Pourquoi Saint Antoine ? Pourquoi une Pietà ?

Le plus intéressant au sujet de cette chapelle, construite 10 ans après le massacre de la Saint-Barthélemy, est peut-être ailleurs que dans son architecture.
Il pourrait être dans la dédicace à Saint Antoine et dans la présence de cette Vierge de Pitié.

Après le Concile de Trente (1545-1563), la Contre-réforme catholique attribue aux ordres religieux un rôle éducatif primordial, principalement aux ordres mendiants chargés de prêcher, de répandre la Parole et de convertir.

L’Eglise décide alors de placer la figure des saints au premier plan de la vénération des fidèles.

Saint Antoine de Padoue, dont le culte se répand aux XVè et XVIè siècles, est un franciscain dont la piété explique l’importance qu’il accorde au culte des souffrances du Christ.

On notera à ce propos que les Franciscains sont présents à Nancy où René II les a installés; ils portent alors le nom de Cordeliers.

Une Pietà , œuvre artistique traduisant la douleur de la Vierge, ne  se comprend souvent que dans le lieu pour lequel elle a été créée.

Cette Pietà lorraine n’exprime-t-elle pas l’émotion et la piété des croyants face au sacrifice du Christ, comme l’ordre des Franciscains les développe par la parole ?

Antoine de Padoue était franciscain mais aussi talentueux prédicateur contre les hérétiques.

N’était-il pas judicieux, en 1582, de consacrer cette chapelle à une figure de la persuasion, de la parole incarnée, à un vecteur de la Contre-réforme que l’Eglise elle-même désignait comme Malleus Maleficorum ?

Et de plus, est-ce un hasard si l’on trouve dans l’église Saint-Martin une Extase de Saint François de Jean Le Clerc ?

On le voit, ces conjonctions donnent au patrimoine artistique religieux de Bouxières une cohérence qu’on ne devinait pas et lui confèrent une valeur de témoignage de l’esprit et des objectifs de l’Eglise post-tridentine.